flâner, peindre et écrire... - 18/10/2004
La victoire de l’écran est totale, elle rapproche ce qui est lointain mais éloigne aussi le voisin, écran, image, réflexe, vitesse, circulation, oubli, tels sont les mots qui gouvernent l’époque. Or c’est précisément l’inverse qui constitue l’axe de mon travail, écrit, réflexion, lenteur, progrès, sens, mémoire, voilà mon territoire d’élection. Flâner et se souvenir, prendre le temps pour ce qu’il est, une précieuse fragilité, interroger la marche de l’heure. S’imposer une prise de distance, s’arrêter et laisser le temps prendre sa mesure...« si l’homme ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d’être regardé » écrivait René Char. L’objectif remplace l’oeil et un flot d’images éphémères et légères nous submergent. Etourdissantes, elles brouillent la vue et l’image en elle-même est un "divertissement", elle "détourne" le regard, au sens étymologique du mot. Le peintre, lui, essaie de le poser droit. Il guette les signes de vie, dépouille les masques et cherche à dévoiler l’apparente innocence des choses. « J’observe la nature et il me semble que je fais de lents progrès », Cézanne définissait ainsi son travail, voilà le fil qui aussi me guide. Dans l’ineffable mystère des heures et des saisons, ici et ailleurs, chez moi ou dans d’éloignés pays, je la peins pour saisir l’instant dans ce qu’il a de fugace et d’éternel à la fois. Je fais des icônes de paysage, intérieur ou réel, une peinture écrite, épurée et symbolique, pour créer un espace de rêve. Arrêt sur image, suspendre ainsi juste un instant le flot qui nous bouscule. |